Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/315

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Au commencement de 1850, notre communauté fut dissoute. Notre mère, attirée en Anjou par sa fille, donna congé de son grand appartement. Il fallut nous séparer. Ce moment nous fut cruel. Jusqu’alors nous avions toujours vécu en famille. Alfred se logea d’abord rue Rumfort ; mais il se trouva trop loin de moi, et vint bientôt demeurer rue du Mont-Thabor (j’avais pris un appartement rue des Pyramides). Notre mère lui avait choisi une gouvernante capable de suppléer avec tout le dévouement possible la sœur Marcelline, si regrettée dans les moments de maladie. L’intelligence et le zèle de mademoiselle Colin épargnèrent à mon frère bien des préoccupations, et lui assurèrent les soins que sa santé réclamait. Naturellement disposé à l’inquiétude, il se voyait, non sans effroi, obligé de ne compter désormais que sur lui-même pour subvenir à tous les besoins de la vie. Le premier moment une fois passé, il envisagea cette position nouvelle pour lui avec résignation et courage. Ce fantôme terrible de la Nécessité, qui, à trente ans, lui avait inspiré tant d’horreur, il se trouvait préparé à le regarder en face par des événements politiques durant lesquels bien d’autres existences que la sienne avaient reçu de graves atteintes. Depuis 1847, il n’avait fait autre chose que suivre du regard la seconde carrière ouverte par le théâtre aux productions de sa jeunesse. À quarante ans il reprit tout à coup le goût du travail.

Pour ne rien omettre dans l’historique de ses der-