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peut remarquer deux choses assez rares : un éditeur généreux et un écrivain désintéressé.

Alfred de Musset se croyait trop peu apprécié des classiques de l’Académie française pour pouvoir leur demander à faire partie de leur compagnie. Il s’y décida pourtant, encouragé par M. Mérimée. L’Académie s’est honorée en recevant dans son sein le poète de la jeunesse. Il aurait pu se passer d’elle ; mais, puisqu’il s’était présenté, si elle l’eût laissé mourir sans lui ouvrir les portes de l’Institut, elle s’en repentirait aujourd’hui, et l’opinion publique le lui reprocherait. L’auteur des Nuits parut plus sensible que je ne l’aurais cru à cette marque de distinction, qu’il regarda comme une consécration nécessaire de son talent. Le jour qu’il prononça l’éloge de M. Dupaty, dont il occupait le fauteuil, j’entendis, parmi le public élégant des petits nez roses, un murmure de satisfaction et d’étonnement causé par l’air de jeunesse et la chevelure blonde du récipiendaire. On lui aurait donné trente ans.

Son élection ne s’était pas faite sans difficultés. De tous les graves personnages qui l’entouraient ce jour-là, une dizaine au plus connaissaient quelques pages de ses poésies. M. de Lamartine lui-même a confessé publiquement qu’il ne les avait pas lues. D’autres les blâmaient sur parole sans vouloir les connaître. La veille du scrutin, M. Ancelot, qui aimait particulièrement le candidat, bien résolu, d’ailleurs, à lui