Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/338

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moyennant une pension viagère de deux mille quatre cents francs ! Je lui démontrai, sans peine, que la conclusion de cette belle affaire ne méritait aucun regret. Il s’informa ensuite de mes occupations avec un intérêt extrême ; puis il pensa successivement à toutes les personnes qu’il aimait, comme s’il eût voulu faire une revue de ses affections. Ses questions se multipliaient. La figure angélique de la sœur Marcelline passa dans son souvenir et lui sourit. Nous causions encore paisiblement ensemble à une heure après minuit, lorsque je le vis tout à coup se dresser sur son séant, la main droite posée sur sa poitrine et cherchant la place du cœur, comme s’il eût senti dans cet organe quelque trouble extraordinaire. Son visage prit une expression étrange d’étonnement et d’attention. Ses yeux s’ouvrirent démesurément. Je lui demandai s’il souffrait, il me fit signe que non. À mes autres questions il ne répondit que ces mots, en remettant sa tête sur l’oreiller : « Dormir !… enfin je vais dormir ! »

L’insomnie ayant toujours été son ennemi le plus implacable, je pris ce besoin de dormir pour une crise favorable : c’était la mort. Il ferma les yeux pour ne plus les rouvrir. La respiration, toujours calme et régulière, s’éteignit peu à peu. Il rendit le dernier soupir sans avoir fait un mouvement, sans convulsion, sans agonie. Cette mort, qu’il avait tant souhaitée, était venue à lui comme une amie, sous les apparences du