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du noble lord eurent vendu son domaine de Newstead, ils lui écrivirent pour lui demander ce qu’il voulait faire du produit de cette vente. « Ne vous embarrassez pas du placement, répondit lord Byron ; je compte employer cet argent pour mon plaisir. »

Il s’agissait d’une somme énorme : cent mille livres sterling. Alfred de Musset eût été parfaitement capable de faire la même réponse. Il ne lui a manqué pour cela que d’avoir à toucher les deux millions et demi de francs. À défaut du domaine de Newstead, nous vendîmes, en 1846, une petite propriété de famille provenant de l’héritage de notre père. Alfred reçut, un matin, pour sa part du premier payement, cinq mille francs en monnaie d’argent. C’était la plus grosse somme qu’il eût encore possédée de sa vie. Je lui conseillai de la placer sur l’État ; mais il me répondit, en regardant avec admiration les sacs alignés sur sa table : « Qui, moi ? j’irais changer de bons gros écus contre des chiffons de papier ? Pas si sot, ma foi ! Ce n’est pas sur l’État que je veux placer cet argent, mais dans mon armoire. »

Il range, en effet, les sacs dans un placard, et, pour faire preuve de sagesse et de prudence, comme s’il se défiait de lui-même, il me donne la clef à garder, en me disant que je pourrais la lui rendre le matin, mais non le soir, aux heures périlleuses de la dissipation et du jeu.

Cette convention faite, je mets la clef dans ma