Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/62

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existait un passage secret dans la cloison qui séparait les deux mansardes. Cette nouvelle lui causa tant de joie qu’il en pâlit d’émotion. Avant de lui révéler le mystère, j’exigeai qu’il me laissât passer sans regarder comment je m’y prenais. Nous montâmes dans les mansardes. Il ferma les yeux et se boucha les oreilles avec la bonne foi et la simplicité d’un vrai croyant. Je me glissai sans bruit par la gouttière ; quand il m’entendit l’appeler dans la chambre voisine, sa surprise fut extrême. L’idée ne lui vint pas d’ouvrir les yeux pour m’épier, tant il avait peur de se retrouver en face de la plate réalité. Cependant il voulut passer à son tour à travers la muraille, et, pour obéir à mes prescriptions, il tourna le crochet de cuivre onze fois dans un sens, treize fois dans le sens contraire et je ne sais combien de fois de droite à gauche et de gauche à droite. Il y demeura une demi-heure, pensant toujours avoir mal compté. À la fin je lui avouai mon stratagème et le prestige s’évanouit. Alfred me sut gré de cette tromperie comme d’une attention délicate ; l’illusion était encore trop tôt perdue. Il se promettait, d’ailleurs, de jouer le même tour à notre voisin Léon Gobert ; mais ce garçon-là n’avait pas la foi : il s’empressa d’ouvrir les yeux et de courir à la gouttière, en sorte que la supercherie n’alla pas même jusqu’au bout.

Peu de jours après l’aventure de la porte secrète, le mois de janvier arriva. Soit par hasard, soit avec