Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/84

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admis aux promenades du soir, où l’on allait voir le soleil se coucher, ou regarder le vieux Paris du haut des tours de Notre-Dame. Le lendemain d’une conférence littéraire, dans laquelle on avait sans doute récité beaucoup de ballades, le jeune auditeur, cheminant seul sous les arbres du bois de Boulogne et poursuivi par le rythme cadencé qui lui revenait à l’oreille, se mit à composer une ballade, et puis un petit drame romantique, qu’il a, plus tard, condamné au feu. La scène se passait en Espagne, dans le château du vieux Sanchez de Guadarra. La fille de ce seigneur chantait, le soir, à sa fenêtre, une chanson mélancolique. Agnès avait été deux fois fiancée :


Une main, dans sa main, deux fois s’était glacée,
Et vierge, elle était veuve, en deuil de deux époux.


Les deux jeunes gens à qui on l’avait promise étaient morts le lendemain des fiançailles. Son père lui venait pourtant proposer un troisième époux. Celui-ci était don Carlos, brillant cavalier, jeune et plein de courage. Le vieux seigneur Sanchez estimait fort don Carlos et formulait ainsi sa préférence pour le métier des armes :


Homme portant un casque en vaut deux à chapeau,
Quatre portant bonnet, douze portant perruque,
Et vingt-quatre portant tonsure sur la nuque.


Le brillant don Carlos arrivait avec sa longue épée et ses éperons d’or. Agnès se laissait fiancer pour la