Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/191

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sur le sofa où elle était assise. Les mots que j’avais prononcés portaient un sens si dur, si cruel, que j’en étais navré moi-même et que mon cœur s’emplissait d’amertume. L’enfant inquiet appelait Brigitte et s’attristait en nous regardant. Ses cris joyeux, son petit bavardage cessèrent peu à peu ; il s’endormit sur la bergère. Ainsi, tous trois, nous demeurâmes en silence, et un nuage passa sur la lune.

Une servante entra qui vint chercher l’enfant ; on apporta de la lumière. Je me levai et Brigitte en même temps ; mais elle porta les deux mains sur son cœur, et tomba à terre au pied de son lit.

Je courus à elle épouvanté ; elle n’avait pas perdu connaissance et me pria de n’appeler personne. Elle me dit qu’elle était sujette à de violentes palpitations qui la tourmentaient depuis sa jeunesse et la prenaient ainsi tout à coup, mais que du reste il n’y avait point de danger dans ces attaques ni aucun remède à employer. J’étais à genoux auprès d’elle ; elle m’ouvrit doucement les bras ; je lui saisis la tête et me jetai sur son épaule. « Ah ! mon ami, dit-elle, je vous plains.

— Écoute-moi, lui dis-je à l’oreille, je suis un misérable fou ; mais je ne puis rien garder sur le cœur. Qu’est-ce que c’est qu’un M. Dalens qui demeure sur la montagne et qui vient te voir quelquefois ? »

Elle parut étonnée de m’entendre prononcer ce nom. « Dalens ? dit-elle, c’est un ami de mon mari. »

Elle me regardait comme pour ajouter : À propos de quoi cette question ? Il me sembla que son visage s’était rembruni. Je me mordis les lèvres. « Si elle veut me tromper, pensai-je, j’ai eu tort de parler. »

Brigitte se leva avec peine ; elle prit son éventail et marcha à grands pas dans la chambre. Elle respirait avec