Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. I, 1836.djvu/49

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Il est malheureusement vrai qu’il y a dans le blasphème une grande déperdition de force qui soulage le cœur trop plein. Lorsqu’un athée, tirant sa montre, donnait un quart d’heure à Dieu pour le foudroyer, il est certain que c’était un quart d’heure de colère et de jouissance atroce qu’il se procurait. C’était le paroxysme du désespoir, un appel sans nom à toutes les puissances célestes ; c’était une pauvre et misérable créature se tordant sous le pied qui l’écrase ; c’était un grand cri de douleur. Et qui sait ? aux yeux de celui qui voit tout, c’est peut-être une prière.

Ainsi les jeunes gens trouvaient un emploi de la force inactive dans l’affectation du désespoir. Se railler de la gloire, de la religion, de l’amour, de tout au monde, est une grande consolation, pour ceux qui ne savent que faire ; ils se moquent par là d’eux-mêmes et se donnent raison tout en se faisant la leçon.