Scène IV
Bonjour, mes amis, me reconnaissez-vous ?
Seigneur, vous ressemblez à un enfant que nous avons beaucoup aimé.
N’est-ce pas vous qui m’avez porté sur votre dos pour passer les ruisseaux de vos prairies, vous qui m’avez fait danser sur vos genoux, qui m’avez pris en croupe sur vos chevaux robustes, qui vous êtes serrés quelquefois autour de vos tables pour me faire une place au souper de la ferme ?
Nous nous en souvenons, seigneur. Vous étiez bien le plus mauvais garnement et le meilleur garçon de la terre.
Et pourquoi donc alors ne m’embrassez-vous pas, au lieu de me saluer comme un étranger ?
Que Dieu te bénisse, enfant de nos entrailles ! chacun de nous voudrait te prendre dans ses bras ; mais nous sommes vieux, monseigneur, et vous êtes un homme.
Oui, il y a dix ans que je ne vous ai vus, et en un jour tout change sous le soleil. Je me suis élevé de quelques pieds vers le ciel, et vous vous êtes courbés de quelques pouces vers le tombeau. Vos têtes ont blanchi, vos pas sont devenus plus lents ; vous ne pouvez plus soulever de terre votre enfant d’autrefois. C’est donc à moi d’être votre père, à vous qui avez été les miens.
Votre retour est un jour plus heureux que votre naissance. Il est plus doux de retrouver ce qu’on aime que d’embrasser un nouveau-né.
Voilà donc ma chère vallée ! mes noyers, mes sentiers verts, ma petite fontaine ! voilà mes jours passés