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ACTE TROISIÈME.


Scène première.

(Devant le château.)
Entrent Le Baron et Maître Blazius.
Le Baron

Indépendamment de votre ivrognerie, vous êtes un bélître, maître Blazius. Mes valets vous voient entrer furtivement dans l’office, et quand vous êtes convaincu d’avoir volé mes bouteilles de la manière la plus pitoyable, vous croyez vous justifier en accusant ma nièce d’une correspondance secrète.

Maître Blazius

Mais, monseigneur, veuillez vous rappeler…

Le Baron

Sortez, monsieur l’abbé, et ne reparaissez jamais devant moi ; il est déraisonnable d’agir comme vous le faites, et ma gravité m’oblige à ne vous pardonner de ma vie.

(Il sort ; maître Blazius le suit. — Entre Perdican.)
Perdican

Je voudrais bien savoir si je suis amoureux. D’un côté, cette manière d’interroger tant soit peu cavalière, pour une fille de dix-huit ans ; d’un autre, les idées que ces nonnes lui ont fourrées dans la tête auront de la peine à se corriger. De plus, elle doit partir aujourd’hui. Diable ! je l’aime, cela est sûr. Après tout, qui sait ? peut-être elle répétait une leçon, et d’ailleurs il est clair qu’elle ne se soucie pas de moi. D’une autre part, elle a beau être jolie, cela n’empêche pas qu’elle n’ait des manières beaucoup trop décidées, et un ton trop brusque. Je n’ai qu’à n’y plus penser ; il est clair que je ne l’aime pas. Cela est certain qu’elle est jolie ; mais pourquoi cette conversation d’hier ne veut-elle pas me sortir de la tête ? En vérité, j’ai passé la nuit à radoter. Où vais-je donc ? — Ah ! je vais au village.

(Il sort.)