Page:Musset - Poésies, édition Nelson.djvu/52

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Où près de ton palais, sur ton fleuve penchée,
Fille de l’Occident, un soir tu t’es couchée...

Lecteur, puisqu’il faut bien qu’à ce mot redouté
Tôt ou tard, à présent, tout honnête homme en vienne,
C’est, après le dîner, une faiblesse humaine
Que de dormir une heure en attendant le thé.
Vous le savez, hélas! alors que les gazettes
Ressemblent aux greniers dans le temps de disettes,
Ou lorsque, par malheur, on a, sans y penser,
Ouvert quelque pamphlet fatal à l’insomnie,
Quelques Mémoires sur*** — Essai de poésie...
— livres précieux ! serait-ce vous blesser
Que de poser son front sur vos célestes pages,
Tandis que du calice embaumé de l’opium,
Comme une goutte d’eau qu’apportent les orages,
Tombe ce fruit des cieux appelé somnium?
Depuis un grand quart d’heure, incliné sur sa chaise,
Rafaël (mon héros) sommeillait doucement.
Remarquez bien, lecteur, et ne vous en déplaise,
Que c’est tout l’opposé d’un héros de roman.
Ses deux bras sont croisés; — une ample redingote,
Simplicité touchante, enfei-me sous ses plis
Son corps plus délicat qu’un menton de dévote,
Et ses membres Tcrmeils par le bain assouplis,
Dans ses cheveux, huiles d’un baptême à la rose,
Le zéphyr mollement balance ses pieds nus,