Page:Musset - Poésies nouvelles (Charpentier 1857).djvu/147

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Elle l’oubliera sûrement ;
Et nous le marierons à quelque honnête femme. »
Les tuteurs dirent que la dame
Avait parlé fort sagement.
 « Te voilà grand, dirent-ils à Jérôme,
Il est bon de voir du pays.
Va-t’en passer quelques jours à Paris,
Voir ce que c’est qu’un gentilhomme,
Le bel usage, et comme on vit là-bas ;
Dans peu de temps tu reviendras. »
À ce conseil, le garçon, comme on pense,
Répondit qu’il n’en ferait rien,
Et qu’il pouvait voir aussi bien
Comment l’on vivait à Florence.
Là-dessus, la mère en fureur
Répond d’abord par une grosse injure ;
Puis elle prend l’enfant par la douceur ;
On le raisonne, on le conjure,
À ses tuteurs il lui faut obéir ;
On lui promet de ne le retenir
Qu’un an au plus. Tant et tant on le prie,
Qu’il cède enfin. Il quitte sa patrie ;
Il part, tout plein de ses amours,
Comptant les nuits, comptant les jours,
Laissant derrière lui la moitié de sa vie.
L’exil dura deux ans. Ce long terme passé,
Jérôme revint à Florence,
Du mal d’amour plus que jamais blessé,
Croyant sans doute être récompensé.
Mais c’est un grand tort que l’absence.
Pendant qu’au loin courait le jouvenceau,
La fille s’était mariée.
En revoyant les rives de l’Arno,