Page:Musset - Poésies nouvelles (Charpentier 1857).djvu/184

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Elle montrait sur son visage
Le plaisir que prenaient ses yeux ;
Puis, travaillant en son absence,
De tout son cœur elle filait,
Songeant, pour prendre patience,
De qui sa laine lui venait,
Et baisant tout bas son rouet,
Non sans chanter quelque romance.
D’autre part, le garçon montrait
De jour en jour un nouveau zèle
Pour sa laine, et ne trouvait rien
(J’ai dit que Simone était belle)
Qui fût plus tôt fait ni si bien
Qu’un fuseau dévidé par elle.
L’un soupirant, l’autre filant,
La saison des fleurs s’en mêlant,
Enfin, comme il n’est en ce monde
Si petite herbe sous le pied
Qu’un jour de printemps ne féconde,
Ni si fugitive amitié
Dont il ne germe une amourette,
Un jour advint que le fuseau
Tomba par terre, et la fillette
Entre les bras du jouvenceau.

Près des barrières de la ville
Était alors un beau jardin,
Lieu charmant, solitaire asile,
Ouvert pourtant soir et matin.
L’écolier, son livre à la main,
Le rêveur avec sa paresse,
L’amoureux avec sa maîtresse,
Entraient là comme en paradis