Page:Musset - Poésies nouvelles (Charpentier 1857).djvu/191

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Sous lequel le froid jouvenceau
Dormait, pâle et méconnaissable ;
Puis, cueillant une fleur semblable
À cette fleur que son ami
Sur ses lèvres avait placée,
Sa pauvre âme eut une pensée,
Qui fut de faire comme lui.
Fut-ce douleur, crainte, ignorance ?
Qu’importe ? Pascal l’attendait,
Ouvrant ses bras, qu’il lui tendait,
Dans un asile où l’espérance
N’a plus à craindre le malheur.
Sitôt qu’elle eut touché la fleur,
Elle mourut. Âmes heureuses,
À qui Dieu fit cette faveur
De partir encore amoureuses,
De vous rejoindre sur le seuil,
L’un joyeux, l’autre à peine en deuil,
Et de finir votre misère
En vous embrassant sur la terre,
Pour aller aussitôt après
Là-haut vous aimer à jamais !

Or maintenant quelle est la plante
Qui sut tirer si promptement
De tant de délices l’amant,
De tant de désespoir l’amante ?
Boccace dit en peu de mots,
Dans sa simplesse accoutumée,
Que la cause de tant de maux
Fut une sauge envenimée
Par un crapaud ; mais, Dieu merci !
Nous en savons trop aujourd’hui