Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/186

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Jusqu’à ce jour, du moins, le sillon n’a senti
Des autres que le germe ; une seule a grandi.
Quant à cette secrète et froide maladie,
Misérable cancer d’un monde qui s’en va,
Ce facile mépris de l’homme et de la vie,
Nul de l’avoir connu jamais ne l’accusa.
Mais pourquoi cherchait-il ainsi la solitude ?
On ne sait. — Dès longtemps il chérissait l’étude.

Autrefois ignoré, mais content de son sort,
Il marcha sur les pas de ceux à qui la mort
Révèle les secrets de l’être et de la vie.
Incliné sous sa lampe, infatigable amant
D’une science aride et longtemps poursuivie ;
On le voyait, la nuit, écrire assidûment ;
Ou quelquefois encor, quand l’astre au front d’albâtre
Efface les rayons de son disque incertain,
Il osait, oubliant sa tâche opiniâtre,
Étudier les lois de ces mondes sans fin,
Flots d’une mer de feu sur nos front balancée,
Et que n’ont pu compter ni l’œil ni la pensée !…

Mais, hélas ! que de jours, que de longs jours passés
Ont vu depuis ce temps ses travaux délaissés !
Renfermé dans les murs où mourut son vieux père,
Depuis plus de deux ans, sous son toit solitaire
Il vit seul, loin des yeux — heureux — car ses amis,
En calculant les jours, n’ont point compté les nuits.
Peut-être en se cachant voulait-il le silence…
Qui savait ses projets ? Nul ne connaît celui
Qui le fait sur le seuil demeurer aujourd’hui.

Mais la nuit à grands pas sur la terre s’avance,