Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/195

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Les chemins et les toits sont recouverts de neige.
Hélas ! je parle au nom d’une vieille amitié,
Qui de vos soixante ans a porté la moitié.

— Je suis malade, femme, et rien de plus.
Je suis malade, femme, et rien de plus.— Malade ?

Quoi ! Smolen est malade, et par cette saison
Expose son front chauve à l’agitation
D’une nuit de tempête, et seul, la nuit, s’évade
En me criant : — Silence ! — ainsi qu’un assassin
Que l’esprit de malheur conduit à son dessein !
Oui, vous êtes malade, ou je suis bien trompée.
C’est le cœur, cher seigneur, le cœur qui souffre en vous.
Pitié, mon Dieu ! Pourquoi demander votre épée ?
Où voulez-vous aller ? Seigneur, songez à nous.
Allez-vous dans le deuil laisser votre famille ?

— Rien, rien, dit le vieillard. Mais où donc est ma fille ? »


VI


Comme avec majesté sur ces roches profondes,
Que l’inconstante mer ronge éternellement,
Du sein des flots émus sort l’astre tout-puissant,
Jeune et victorieux — seule âme des deux mondes !
L’Océan, fatigué de suivre dans les cieux
Sa déesse voilée au pas silencieux,
Sous les rayons divins retombe et se balance.
Dans les ondes sans fin plonge le ciel immense.
La terre lui sourit. — C’est l’heure de prier.