Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/200

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Êtres faibles et bons, trop charmants pour souffrir,
Que l’homme peut tuer, mais qu’il ne peut flétrir.
Le Malheur, ce vieillard à la main desséchée,
Voit s’incliner leur tête avant qu’il l’ait touchée ;
Ils veulent ici-bas d’un trône — ou d’un tombeau.

Telles furent, hélas ! bien des infortunées
Que dévora la tombe au sortir du berceau,
Que le ciel au berceau avait prédestinées —
Et telle fut aussi celle qui va mourir.
Déjà le mal atteint les sources de la vie.
À peine, soulevant sa tête appesantie,
Sa main, son bras tremblant, peuvent la soutenir.
Cependant elle cherche — elle écoute sans cesse ;
À travers les vitraux, sur la muraille épaisse,
Tombe un rayon. — Hélas ! c’est encore un beau jour.
Tout renaît, la chaleur, la vie et la lumière.
Ah ! c’est quand un beau ciel sourit à notre terre
Que l’aspect de ces biens qui nous fuient sans retour
Nous montre quel désert emplissait notre amour !

Mais qui ne sait, hélas ! que toujours l’Espérance,
Des célestes gardiens veillant sur la souffrance
Est le dernier qui reste auprès du lit de mort ?
Jetant quelques parfums dans la flamme expirante,
Et jusqu’à son cercueil emportant la mourante,
Elle berce en chantant la Douleur qui s’endort.

Si loin qu’à l’horizon son regard peut s’étendre,
L’œil de la pauvre enfant sur l’eau s’est arrêté :
« Quoi ! rien ? » murmure-t-elle — et que peut-elle attendre ?
Mais la Mort, à pas lents, vient de l’autre côté,
L’Océan tout à coup, et le ciel et la terre