Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/309

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Silvio.

Vous ne répondez rien. Je vous aime, Ninon.

Ninon.

Lorsqu’on n’est pas coupable, on sait bien se défendre.
Quand vous chantiez hier de cette voix si tendre,
Vous saviez bien mon nom, je l’ai bien entendu.
Et ce baiser du parc que ma sœur a reçu,
Aviez-vous oublié d’y mettre aussi l’adresse ?
Regardez donc, monsieur, quelle scélératesse !
Chanter sous mon balcon en embrassant ma sœur !

Silvio.

Je vous aime, Ninon, comme voilà mon cœur.
Vos yeux sont de cristal, — vos lèvres sont vermeilles
Comme ce ciel de pourpre autour de l’occident.
Je vous trompais hier, vous m’aimiez cependant.

Ninon.

Que voulez-vous qu’on dise à des raisons pareilles ?

Silvio.

Votre taille flexible est comme un palmier vert ;
Vos cheveux sont légers comme la cendre fine
Qui voltige au soleil autour d’un feu d’hiver ;
Ils frémissent au vent comme la balsamine ;
Sur votre front d’ivoire ils courent en glissant,
Comme une huile craintive au bord d’un lac d’argent.
Vos yeux sont transparents comme l’ambre fluide
Au bord du Niémen ; — leur regard est limpide
Comme une goutte d’eau sur la grenade en fleurs.

Ninon.

Les vôtres, mon ami, sont inondés de pleurs.

Silvio.

Le son de votre voix est comme un bon génie
Qui porte dans ses mains un vase plein de miel.
Toute votre nature est comme une harmonie ;