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PREMIÈRES POÉSIES.

S’arrêter face à face, et se montrer la dent ;
La rage les excite au combat ; cependant
Elles tournent en rond lentement, et s’attendent ;
Leurs mufles amaigris l’un vers l’autre se tendent.
Tels, et se renvoyant de plus sombres regards,
Les deux rivaux, penchés sur le bord des remparts,
S’observent ; — par instants entre leur main rapide
S’allume sous l’acier un éclair homicide.
Tandis qu’à la lueur des flambeaux incertains,
Tous viennent à voix basse agiter leurs destins,
Eux, muets, haletants vers une mort hâtive,
Pareils à des pêcheurs courbés sur une rive,
Se poussent à l’attaque, et, prompts à riposter,
Par l’injure et le fer tâchent de s’exciter.
Etur est plus ardent, mais don Paez plus ferme.
Ainsi que sous son aile un cormoran s’enferme,
Tel il s’est enfermé sous sa dague ; — le mur
Le soutient ; à le voir, on dirait à coup sûr
Une pierre de plus dans les pierres gothiques
Qu’agitent les falots en spectres fantastiques.
Il attend. — Pour Etur, tantôt d’un pied hardi,
Comme un jeune jaguar, en criant il bondit ;
Tantôt calme à loisir, il le touche et le raille,
Comme pour l’exciter à quitter la muraille.

Le manège fut long. Pour plus d’un coup perdu,
Plus d’un bien adressé fut aussi bien rendu,
Et déjà leurs cuissards, où dégouttaient des larmes,
Laissaient voir clairement qu’ils saignaient sous leurs
armes.
Don Paez le premier, parmi tous ces débats,