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PREMIÈRES POÉSIES.

Elle passe à Madrid pour sorcière, et les gens
Du peuple vont la voir à l’insu des sergents.

Don Paez, cependant, hésitant à sa vue,
Elle lui tend les bras, et sur sa gorge nue,
Qui se levait encor pour un embrassement,
Elle veut l’attirer.
               DON PAEZ
                       Quatre mots seulement,
Vieille. — Me connais-tu ? Prends cette bourse, et songe
Que je ne veux de toi ni conte ni mensonge.
               BELISA
De l’or, beau cavalier ? Je sais ce que tu veux ;
Quelque fille de France, avec de beaux cheveux
Bien blonds ! — J’en connais une.
               DON PAEZ
                                    Elle perdrait sa peine ;
Je n’ai plus maintenant d’amour que pour ma haine.
               BELISA
Ta haine ? Ah ! je comprends. — C’est quelque trahison ;
Ta belle t’a fait faute, et tu veux du poison.
               DON PAEZ
Du poison, j’en voulais d’abord. — Mais la blessure
D’un poignard est, je crois, plus profonde et plus sûre.
               BELISA
Mon fils, ta main est faible encor ; — tu manqueras
Ton coup, et mon poison ne le manquera pas.
Regarde comme il est vermeil ; il donne envie
D’y goûter ; — on dirait que c’est de l’eau-de-vie.
               DON PAEZ