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NOTES ET IMPRESSIONS

même où Puvis de Chavannes demeura si longtemps et qu’il quitta pour son hôtel de l’avenue de Villiers, une petite boutique à devanture bleu pâle porte cette enseigne :

BLANCHISSEUSE DE GROS

Derrière les rideaux blancs relevés dans les coins, une femme grande, sculpturalement belle encore, debout près d’une longue table à repasser, promène son fer, lentement, les yeux rêveurs. C’est elle ! c’est Berthe Audran, que connurent bien les camarades de Puvis de Chavannes qui vinrent plus d’une fois envahir l’atelier de la repasseuse : pléiade de peintres, sacrés maîtres aujourd’hui. On bavardait, tout en se chauffant l’hiver au fourneau de fonte où les fers rougissaient, et le petit cénacle potinait, cependant que la jolie lingère tuyautait les dentelles des jupons à triple volant.

Berthe Audran avait vingt-deux ans quand, en 1867, elle vit pour la première fois celui qui devait être pour elle, non l’amant de la vingtième année, mais l’ami fidèle, le compa-