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NOTES ET IMPRESSIONS

sombres et des rues désertes. Seuls, quelques marchands de vin tiennent leurs boutiques ouvertes, des épiciers surveillent leurs larges éventaires, où les oranges tranchent de leur jaune vif sur la blancheur des dragées bon marché, pendant que des bourriches d’huîtres se vident lentement. Ah ! on ne connaît guère les belles marennes dans ces parages, et la portugaise, cette ostende du pauvre, sera le régal de bien des ménages auxquels cet extra donnera l’illusion des soupers de luxe.

Un marchand de vin a affiché une tombola dont le lot principal, une grosse dinde, est exposée dans la vitrine, et une annonce écrite à la main porte ces mots suggestifs : « On boudinera à minuit. »

Des ménages ouvriers entrent boire le litre à douze avec le vague espoir de gagner la dinde, qui étale ses rotondités blanches dans une superbe impudeur gastronomique.

Me voici à la Villette : les abattoirs sont illuminés ; comme d’habitude, on travaille ferme pour approvisionner la ville demain matin, car