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NOTES 1049

que " ce qui fait le grand charme de Tarass Boulba ce sont les paysages, les descriptions, les tableaux de genre. " Je voudrais savoir ce qui distingue le paysage de Gogol du paysage de Tourgueniev, de Tolstoï, de Dostoïevski. Autant que des lectures plus ou moins lointaines et rapides me permettent d'en juger, il me semble qu'il y a plus de minutie, une plus grande aptitude à voir le détail plutôt que l'ensemble chez Gogol, plus de largeur, de coloris et aussi de sensation pure (entendez: non traduite en sentiments ou en notions) chez Tourgueniev. Chez Tolstoï, il y a un naturisme plus ardent, celui d'un païen qui étreint la nature et qui se fond en elle encore plus qu'il ne la voit. Dostoïevski enfin, dans ses paysages, au demeurant si rares, spiritualise la nature, en donne une image toute pénétrée d'âme et de pensée, à la Vinci. Si, au surplus, on ne se borne pas à Tarass Boulba, on peut remarquer que Gogol, comme Dickens, dotera quelquefois les choses d'un langage (voyez dans l'admirable Ménage d'autrefois la chanson des portes qui n'est pas sans rappeler le délicieux trio du grillon, du coucou et de la bouilloire dans Cricket on the Hearth) et que, comme Dickens encore, il s'attachera de préférence à la description des mobi- liers et des costumes (c'est également le cas de Walter Scott et de Balzac) et tendra dans les portraits à la caricature. Il n'est pas inintéressant de signaler à ce propos que Gogol avait dessiné à la plume (ces dessins ont été reproduits dans une édition russe qu'il m'a été donné autrefois de feuilleter) les dernières scènes de son Revisor avec un évident parti-pris de grossissement qui rappelle Phiz ou Cruikshank, les illustrateurs de Dickens. M. Léger proclame une tendresse particulière pour le Manteau. Elle aurait bien dû refouler dans son encrier les lignes suivantes : " Après avoir lu et médité le Manteau, qui est un chef-d'œuvre incontestable, j'engage les curieux à se reporter aux œuvres trop oubliées aujourd'hui de Champfleury. Des récits tels que les Souffrances du Professeur Deltheil et Chien Caillou ne redoutent la comparaison ni avec Gogol ni avec Dostoïevski,

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