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CHRONIQUE DE CAERDAL I3I

III

d'hamlet a prospéro

Hamlet est Shakspeare lui-même, si jamais héros d'un poème fut l'image du poète. Toutes les passions le hantent et lui sont familières ; mais en se livrant à la splendeur du chant, il est maître de l'orgue, et souvent il en joue, comme s'il offrait ce concert à un musicien invisible. L'esprit le plus vaste, l'imagination la plus belle font le plus grand cœur d'homme. Son analyse est une intuition des créatures. Sa première démarche est d'entrer au principe de tout objet vivant, et d'être au cœur de chaque vie, comme de la sienne. Il y va si profondément qu'il en a pris une vue désespérée et amoureuse. Du moins, je le sens ainsi. Il est aussi pessimiste qu'il est noble. Sa grâce est infinie dans la compassion spirituelle. Sa pitié, il me sem- ble, est une contemplation sous l'angle du destin.

Il est un peu replet. Il se fatigue vite. Il dort peu, à petits coups. Il sue d'abondance, et sent la feuille de sauge. Il a le poil chaud, et l'œil aigu du marin. Ses blanches maigres mains disent, avec concision, ce qu'exige d'intelligence l'extrême délicatesse.

Il se tait, et sourit. Il est prince comme le calme, et il a la puissance soudaine des tempêtes.

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