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26o LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

saient aucune origine commune et dont chacun considérait avec un certain mépris le nom au graphisme inélégant des deux autres. — Mais ces remarques philologiques ne sauraient intéresser qu'une classe assez restreinte de lecteurs.)

Qu'eussent été Fleurissoire et Blafaphas l'un sans l'autre ? On a peine à l'imaginer. Dans les récréations du lycée, on les voyait toujours ensemble ; brimés sans cesse, se consolant, se prêtant patience, renfort. On les nommait les Blafafoires, Leur amitié semblait à chacun l'arche unique, l'oasis dans l'impitoyable désert de la vie. L'un ne goûtait pas une joie qu'il ne la voulût aussitôt partagée ; ou, pour mieux dire, rien n'était joie pour l'un que ce qu'il goûtait avec l'autre.

Médiocres élèves, malgré leur désarmante assiduité, et foncièrement réfractaires à toute espèce de culture, les Blafafoires seraient restés toujours les derniers de leur classe, sans l'assistance d'Eudoxe Lévichon qui, moyen- nant de petites redevances, leur corrigeait, leur faisait même leurs devoirs. Ce Lévichon était le fils cadet d'un des principaux bijoutiers de la ville. (Vingt ans auparavant, peu de temps après son mariage avec la fille unique du bijoutier Cohen, — au moment où, par suite de la pros- périté de ses affaires, il quittait le bas quartier de la ville pour venir s'établir non loin du casino — le bijoutier Albert Lévy avait jugé désirable de réunir et d'agglutiner les deux noms, comme il réunissait les deux maisons.)

Blafaphas était endurant, mais Fleurissoire de com- plexion délicate. Aux approches de la puberté le faciès de Gaston s'obombra, on eût dit que la sève allait empoiler tout son corps ; cependant l'épiderme plus susceptible

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