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22 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

— Ma foi non, ma petite, ment-il ; ça n'est pas joli- joli, mais je pense que cela sert à quelque chose.

Et comme la sereine piété ne répugne pas à quelque espièglerie innocente, l'enfant avise, contre la glace au- dessus de la cheminée, une photographie qui la représente et, la désignant du doigt :

— Vous avez là, mon oncle, le portrait d'une petite fille qui n'est pas non plus joli-joli. A quoi donc peut-il vous servir ?

Surpris de trouver chez une cagotine un si malicieux esprit de repartie, et sans doute tant de bon sens, l'oncle Anthime est momentanément désarçonné. Avec une fillette de neuf ans, il ne peut pourtant pas engager une discus- sion métaphysique ! Il sourit. La petite aussitôt se saisis- sant de l'avantage et montrant les piécettes saintes :

— Voici, dit-elle, celle de Sainte-Julie, ma patronne, et celle du Sacré-Cœur de Notre Seigneur Jésus.

— Du bon Dieu, tu n'en as pas une ? interrompt absurdement Anthime.

L'enfant répond très naturellement :

— Non ; du bon Dieu on n'en fait pas... Mais voici la plus jolie : c'est celle de Notre-Dame de Lourdes, que tai'a donnée la tante Fleurissoire ; elle l'a rapportée de Lourdes ; je l'ai mise à mon cou le jour où petit père et maman m'ont offerte à la Sainte Vierge.

C'en est trop pour Anthime. Sans chercher à com- prendre un instant ce qu'évoquent d'ineflfablement gra- cieux ces images, le mois de mai, le blanc et bleu cortège des enfants, il cède à un maniaque besoin de blasphème :

— Elle n'a donc pas voulu de toi, la bonne Sainte Vierge, que tu es encore avec nous ?

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