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3IO LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

C'est au Nord que Tesprit de l'homme se sépare totalement de la nature. Comme la pensée d'un certain rang est toujours idéaliste, la gran- deur de l'idéaliste consiste à ne point se satisfaire. Une sérénité, qui n'est pas le sourire dans les supplices, est de nul prix à mes yeux. Et je ne sais pas ce que peut être le calme, s'il n'est pas la couronne des orages. Hamlet n'est donc pas l'in- tellectuel à la façon des géomètres ; mais il l'est à la façon sanglante des poètes.

L'ordre d'Hamlet est celui du cœur, quand la pensée s'y élève. Et comme elle n'y peut respirer, elle délire.

Hamlet, je rencontre avec toi le fantôme blanc et sa triste lumière sur la terrasse de la médita- tion. Je le suis, je l'implore ; je le regarde, et je reconnais l'image de la pensée. Il parle, et j'entends la voix impérissable du souci. Où vas-tu ? où vas- tu ? où suis-je ? et d'où viens-tu ? Ce murmure est plus éternel que le ressac de la mer sur les sables dociles d'Elseneur.

L'image est aussi réelle que toute réalité. Elle peut être beaucoup plus réelle, dit Hamlet. Une pensée commande la vie de ce beau prince. Elle lui impose tout ce qu'il veut faire, et tout ce qu'il est. Et pourtant, tout au fond de soi-même, il n'y peut pas croire plus qu'au reste.

Est-il malade ? Soit, comme Shakspeare et Michel-Ange, ou Pascal et Dostoïevski. 11 est

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