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328 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

poésie d'oc, coupée et renversée par le tumulte du XIIP siècle, est demeurée, jusqu'au XIX« siècle, en sommeil. Roumanille et Mistral ont éveillé la Belle au bois dormant; Et durant tout ce temps, le Midi, qui n'a pas chanté dans sa langue, a mal chanté dans celle d'Outre-Loire, ou du moins n'y est pas parvenu à la pointe extrême de musique, La place, dans son âme, serait alors libre pour une poésie vraiment méridionale, pour la seconde figure de notre poésie nationale. Il est fort possible que la valeur poétique de nos mots français soit irrémédiablement usée : on en a souvent l'impression devant la poésie actuelle, qui se voit presque obligée de renoncer à la rime authentique, simplement parce que le registre des rimes françaises n'est point indéfini. Le surmenage de son instrument traditionnel l'oblige à chercher des voies rythmiques nouvelles. Or le provençal serait parfaitement capable de reprendre la suite de cet instru- ment traditionnel, et de lui faire parcourir une longue carrière. D'une part il possède toute la fraîcheur intacte de ses mots admirables, les mots les plus expressifs, les plus savoureux, les plus musicaux qui soient peut-être dans une langue latine. D'autre part n'oublions pas que le provençal n'est pas seulement une langue latine, mais une langue française, que sa poétique est strictement française, que ses mètres, ses strophes, sauf une exception géniale qui confirme la règle, sont les mètres et les strophes de la poésie française. Certes, le génie poétique de Mistral est aussi différent de celui de Ronsard que de celui de Dante. Mais, de même qu'ayant élevé à la dignité de provençal littéraire le dialecte de Saint-Remy, il peut être dit le Dante de la Provence, de même, comme trouveur et législateur de rythmes lyriques, je ne lui vois d'égal ni d'analogue que Ronsard. Je pense ici au Mistral des Isclo d'or, étonnant et hardi écrin de rythmes. Mais la strophe de Mireio et de Calendal (c'est elle l'exception dont je viens de parler) nous permet peut-être d'évoquer de façon plus frappante encore Ronsard. Elle consiste en deux octosyllabes sur rime féminine,

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