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340 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

penser de ces lignes sur les offices de la Semaine-Sainte : " Il est impossible qu*un chrétien sincère, après les avoir entendus, ne sorte pas de l'église fou de haine contre le J uif déicide. " Spire oublie à quel point la foi se plie aux temps et aux mœurs ; pourtant, comme Darmesteter, il a dû connaître en Lorraine plus d'un chrétien qui, sortant des offices, lui serrait la main sans arrière-pensée. Je n'aime pas non plus cette alternative dont l'un et l'autre terme sont mal posés : " Peut-être (Darmesteter) finirait-il par demander s'il ne serait pas plus digne, pour toute une jeunesse, de songer à redevenir des Juifs fiers, que de rester éternellement des citoyens contestés. " De quelle fierté s'agit- il ? Une fierté d'hommes libres en leur cœur, et dédaignant tout jugement qui leur reprocherait autre chose que leurs actes per- sonnels ? Ou bien la fierté des anciens fidèles " acceptant leur glorieuse solitude, et disant à tout le monde, non pas : Je suis pareil à toi, mais : Je suis l'élu, je suis votre lumière " ? S'i est vrai que la première n'impose pas silence aux contestations, faudra-t-il que la seconde aille jusqu'au reniement du nom de citoyens? Les visions de Spire lui cachent par moments le sens des réalités présentes : Il admet que son ami Sittenheim " se trouve, sans l'avoir désiré, l'ami de députés puissants et de ministres " ; et la Loi ne le rassure pas contre les attaques de partis vaincus ! Cette agitation pathétique témoigne simplement d'une crise intérieure, aujourd'hui surmontée. J'en vois la preuve dans un article de V Opinion où Spire, avec une éloquence sobre et lucide, reprend les projets de Zangwill. En voici les dernières lignes : *' Les Juifs français veulent rester Français... Mais s'ils veulent pouvoir se fondre en paix dans le pays qui les a, le premier, libérés, il faut qu'il y ait quelque part dans un coin du monde une terre de refuge où puissent vivre, d'une vie vraiment juive, les Juifs persécutés du reste de l'Europe, et qui, eux, ont la fierté de vouloir rester tout simplement des Juifs. " Cette thèse territorialiste a vraiment pour elle, à la fois, générosité, prudence et bon sens.

M. A.

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