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32 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

il ne sait quel débris, quel plâtras. Il ramasse sa béquille et recule pour voir la niche... Par Tenfer ! les deux cierges brûlent toujours. Mais qu'est-ce à dire ? La statue, à la place de la main droite, ne présente plus qu'une tige de métal noir.

Il contemple un instant, dégrisé, le triste résultat de son geste : aboutir à ce dérisoire attentat... ah ! fi donc ! II cherche des yeux Beppo ; l'enfant a disparu. La nuit se clôt ; Anthime est seul ; il avise sur le pavé le débris que tout à l'heure avait décroché sa béquille, le recueille : c'est une petite main de stuc, qu'avec un haussement d'épaules il glisse dans la poche de son gilet.

La honte au front, la rage au cœur, l'iconoclaste à présent remonte à son laboratoire ; il voudrait travailler, mais cet effort abominable l'a brisé ; il n'a plus de cœur qu'à dormir. Certes il va se mettre au lit sans souhaiter bonsoir à personne... A l'instant d'entrer dans sa chambre, un bruit de voix pourtant l'arrête. La porte de la chambre voisine est ouverte ; dans l'ombre du couloir il se glisse...

Semblable à quelque angelot familier, la petite Julie, en chemise, est sur son lit agenouillée ; au chevet du lit, baignant dans la clarté de la lampe, Véronique et Marguerite à genoux toutes deux ; un peu reculé, debout au pied du lit, Julius, une main sur son cœur, l'autre couvrant ses yeux, dans une attitude à la fois dévote et virile : ils écoutent l'enfant prier. Un grand silence enve- loppe la scène et tel qu'il fait souvenir le savant, de certain soir tranquille et d'or, au bord du Nil, où, comme cette prière enfantine s'élève, s'élevait une fumée bleue, toute droite vers un ciel tout pur.

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