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4^4 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

musiciens, j'étais décidé à faire parler des musiciens d'aujourd'hui, j'espérais presque qu'ils feraient : " Peuh ! peuh ! "

Quand on les interroge sur un ouvrage de musique, avez-vous remarqué qu'ils commencent toujours par donner leur avis sur l'interprétation, que c'est ainsi qu'ils entament le discours ? On se montrait généralement satisfait de l'orchestre, ravi par la voix des filles fleurs ; quant aux chanteurs, on se livre, à propos d'eux, à ces discussions, à ces comparaisons oiseuses qui, à Bayreuth, me chassaient du buffet, en compagnie d'Edouard Dujar- din. Nous montions, avec une provision de pain et de saucisses, vers la buvette, plus haut que le théâtre, écartée et solitaire sur la colline, entre des champs d'avoine et de blé. Nous nous essayions à parler un vague allemand, incorrect, mais souvent précieux, avec des moissonneurs en bras de chemise. De douces larmes ont coulé sur nos joues de pèlerins, là-bas ; mais il y a si longtemps de cela !

Les yeux sont restés secs, à l'Opéra, excepté, peut-être, ceux de quelques dames trop émotives, qui pleurent aux mariages et aux enterrements, quand l'orgue gronde. Il est vrai que dans l'Opéra, il y a, les soirs de Parsifal^ une église, des pompes religieuses ; et quelle église ! une sorte de San-Marco, une coupole byzantine, des voix d'enfants. Mais cela ne prouverait rien. La conjuration des poignards dans les Huguenots, fait encore bondir les cœurs sains. Une hymne protestante, criée par les pen- sionnaires de l'Ecole Anglaise, au fond de mon jardin, parfume mes soirs d'été, m'émeut parfois autant que le finale de la Neuvième Symphonie. A n'en pas douter, Wagner agit sur les nerfs, plus qu'aucun autre.

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