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648 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

— Si j*amène six, se dit-il en sortant le dé, je descends ! Il amena cinq.

— Je descends quand même. Vite ! le veston du sinistré !... A présent, ma valise...

Il courut à son compartiment.

Ah ! combien, devant Tétrangeté d'un fait, l'exclama- tion semble inutile ! Plus surprenant est l'événement, et plus mon récit sera simple. Je dirai donc tout net ceci : Quand Lafcadio rentra dans le compartiment pour y reprendre sa valise, la valise n'y était plus.

Il crut d'abord s'être trompé, ressortit sur le couloir... Si fait ! c'est bien ici qu'il était tantôt. Voici la vue de Miramar... mais alors ?... Il bondit à la fenêtre et crut rêver : sur le quai de la gare, non loin encore du w^agon, sa valise s'en allait tranquillement, en compagnie d'un grand gaillard qui l'emportait à petits pas.

Lafcadio voulut s'élancer ; le geste qu'il fit pour ouvrir la portière laissa couler le veston réglisse à ses pieds.

— Diable ! diable ! Un peu plus et je m'enferrais !... Tout de même le farceur s'en irait un peu plus vite s'il pensait que je lui puisse courir après. Aurait-il vu ?...

A ce moment, comme il restait penché en avant, une goutte de sang ruissela le long de sa joue :

— Tant pis pour la valise ! Le dé l'avait bien dit : je ne dois pas descendre ici.

Il referma la portière et se rassit.

— Pas de papiers dans la valise ; et mon linge n'est pas marqué ; que risqué-je ?... N'importe : m'embarquer le plus tôt possible ; ce sera peut-être un peu moins amusant ; mais à coup sûr, beaucoup plus sage.

Le train cependant repartait.

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