70 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
Lafcadio ne s'était pas assis malgré l'invitation de son père qui l'avait surpris chancelant ; déjà maîtrisé le vertige, il s'appuyait au rebord de la table où posaient la tasse et les réchauds ; il gardait une posture très déférente.
— Dites-moi, maintenant : vous avez donc vu ce matin mon fils Julius ; il vous a dit...
— Il n'a rien dit précisément ; j'ai deviné.
— Le maladroit !... oh ! c'est de l'autre que je parle... Devez-vous le revoir ?
— Il m'a prié d'entrer chez lui en qualité de secrétaire.
— Vous avez accepté ?
— Cela vous déplaît-il ?
— ... Non. Mais je crois qu'il vaut mieux que vous ne vous . . . reconnaissiez pas.
— Je le pensais aussi. Mais, sans le reconnaître précisément, je voudrais le connaître un peu.
— Vous n'avez pourtant pas l'intention, je suppose, de demeurer longtemps dans ces fonctions subalternes.
— Le temps de me retourner, simplement.
— Et après, qu'est-ce que vous comptez faire, main- tenant que vous voici fortuné ?
— Ah ! Monsieur, hier j'avais à peine de quoi manger ; laissez-moi le temps de connaître ma faim.
A ce moment Hector frappa à la porte :
— C'est Monsieur le vicomte qui demande à voir Monsieur. Dois-je faire entrer ?
Le front du vieux se rembrunit ; il garda le silence un instant, mais comme Lafcadio discrètement s'était levé et faisait mine de se retirer :
— Restez ! cria Juste-Agénor avec une violence qui conquit le jeune homme ; puis, se tournant vers Hector :
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