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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 873

prose comme le théâtre parmi les genres en vers. Dans les temps modernes, néant ou à peu près. L'éloquence politique chez nous, n'a pas trop démérité, et depuis le XIV® siècle, on citerait plus de cent discours qui méritent d'être relus et admirés ; l'éloquence démonstrative s'est enrichie d'un genre authentiquement français, le discours académique (dont l'étude technique, dans une continuité de trois siècles, serait bien fructueuse pour le critique qui l'entreprendrait). L'éloquence de la chaire tient pareillement, depuis longtemps la place la plus éminente. Pourquoi donc cet effondrement apparent de l'avocat ? Faut-il croire ces lignes de Renan que cite M. Payen " Heureux les classiques venus à l'époque où l'individualité littéraire était si puissante ! Tel discours de nos Parlements vaut assurément les meilleures harangues de Démosthène ; tel plaidoyer de Chaix d'Est-Ange est comparable aux invectives de Cicéron. Et pourtant Cicéron et Démosthène continueront d'être publiés, admirés, commentés en classiques, tandis que le discours de M. Guizot, de M. Lamartine, de M. Chaix d'Est- Ange ne sortira pas des colonnes du journal du lendemain. " Laissons de côté Guizot et Lamartine, laissons de côté les discours politiques de Démosthène et de Cicéron. Ne compa- rons que le semblable au semblable, les avocats aux avocats. Le seul procès dont il s'agisse ici, le seul dont nous ayons à discu- ter la revision, est celui de Chaix d'Est-Ange et de ses confrères, qu'ils soient Berryer, Henri-Robert ou Poincaré.

Il importe d'abord de remarquer que Démosthène et Cicéron ne sont de vrais avocats que par un côté, le plus petit peut-être, de leur génie. Sans tenir compte ici des reflets passionnants dont les luttes politiques illuminent et trempent leur éloquence, voyez qu'ils n'ont obtenu, devant la postérité, leurs grands triomphes oratoires que lorsqu'ils attaquaient, non lorsqu'ils défendaient, que lorsqu'ils faisaient fonction d'accusateurs, analo- gues, si l'on veut, à ce que sont chez nous les avocats de la partie civile. Le seul des plaidoyers civils de Démosthène qui

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