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988 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

dans quelques jours. La laiterie sera à cinq milles de Port Alberni. C'est par eau que je circulerai le plus facilement, ou encore à cheval.

Quant à la ville de Port Alberni, elle est magnifique- ment située au fond d*un bras de mer extraordinairement profond, très poissonneux, égayé par une quantité d'In- diens et de pirogues. La ville n'existe pas encore au sens strict du mot. Les 1000 habitants qui la composent campent pour la plupart sur leurs terrains, dans des ba- raques ou sous la tente. Mais les rues et les avenues sont déjà dessinées suivant la mode américaine, perpendicu- laires les unes aux autres. Les arbres ont été abattus et de grands feux en détruisent les racines. L'embrasement du ciel au-dessus de ces incendies, le soir, a quelque chose de grandiose et rappelle certains décors des opéras de Wagner, On peut dire que Port Alberni appartient vraiment aux spéculateurs de terrains. Le train qui arrive trois fois par semaine amène, comme une marée, une quantité d'hommes dans le petit hôtel où j'habite ; le lendemain matin le même train les ramène à Victoria, où il en prend d'autres.

J'ai fait la connaissance du colonel Rogers ; c'est un beau vieillard de 82 ans. Il est venu passer quelques jours ici avec sa fille et son gendre pour faire du sport. Ce qui est assez amusant, c'est que j'avais rencontré à Paris son fils et sa belle-fille avant mon départ pour le Canada. La passion de la pêche au saumon nous a vite rapprochés, le colonel et moi.

Nous partons tous les matins à quatre heures et demie. Il fait nuit. Je me glisse dans l'office pour y prendre quelques biscuits. La pirogue qu'on m'a prêtée est à vingt

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