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172 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

jamais voté. Mais il est probable que je ne me serais pas abstenu sous un régime qui les eût menacées ou même discutées. Baudelaire s'est vanté, peut-être mensongèrement, d'être descendu dans la rue et d'avoir fait le coup de feu en 1848. J'ai senti parfois que j'aurais au moins de telles velléités contre un régime destructeur de la liberté. Mais le vote m'a toujours paru une opération beaucoup plus grave : comment choisir entre Dupont et Durand ?

Ce sont là raisons égoïstes. Nous nous plaisions à croire cet état d'esprit disparu.

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��L'Occident publie d'amusants souvenirs de M. Ambroise Vollard sur Zola et Cézanne. Nous transcrivons cette anecdote parue au numéro de mai :

Un jour que Cézanne me montrait une petite étude qu'il avait faite de Zola pendant sa jeunesse, vers 1860, je lui demandai à partir de quel moment Zola et lui s'étaient brouillés. " Il n'y a jamais eu de fâcherie entre nous, me dit-il : c'est moi qui ai cessé, le premier, d'aller voir Zola. Je n'étais plus à mon aise chez lui avec les tapis par terre, les domestiques, et l'autre qui travaillait maintenant sur un bureau en bois sculpté. Cela avait fini par me donner l'impression, quand j'allais chez mon ami, que je rendais visite à un ministre. Il était devenu, (excusez un peu, M. Vollard, je ne le dis pas en mauvaise part !) " un sale bourgeois ".

Il reprit : Je n'allais donc plus que rarement chez Zola, — car cela me faisait bien peine de le voir devenu si gnolle, — quand, un jour, le domestique me dit que son maître n'y était pour personne. Je ne crois pas que la consigne me concernât spécialement ; mais j'espaçai encore davantage mes visites... Et ensuite, Zola fit paraître V Œuvre.

Cézanne resta un moment sans parler, ressaisi par le passé ; puis il continua :

— On ne peut pas exiger d'un homme qui ne sait pas, qu'il dise des choses raisonnables sur l'art de peindre : mais, nom de D..., —

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