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LA MARCHE TURQUE 20I

C'est de Turquie qu'il est bon de venir, et non de France ou d'Italie pour admirer autant qu'il sied le miracle que fut la Grèce — avoir été " sur ces terres déses- pérées longtemps coutumier d'errer, le défait et le las voya- geur" des Stances à Hélène qui se sent ramené comme chez lui " vers la gloire que fut la Grèce ".

L'instruction même que je tire de ce voyage est en proportion de mon dégoût pour ce pays. Je suis heureux de ne point l'aimer davantage. Lorsque j'aurai besoin d'air du désert, de parfums violents et sauvages, c'est au Sahara de nouveau que je m'en irai les chercher. Dans cette malheureuse Anatolie l'humanité est non point fruste, mais abîmée.

Fallait-il aller plus loin ? Jusqu'à l'Euphrate ? Jusqu'à Bagdad ? — Non ; je n'en ai plus le désir. L'obsession de ces pays, qui me tourmentait depuis si longtemps, est vaincue ; cette atroce curiosité. Quel repos d'avoir élargi sur la carte les espaces où l'on n'a plus souci d'aller voir ! Trop longtemps j'ai pensé, par amour de l'exotisme, par méfiance de l'infatuation chauvine et peut-être par mo- destie, trop longtemps j'ai cru qu'il y avait plus d'une civilisation, plus d'une culture qui pût prétendre à notre amour et méritât qu'on s'en éprît... A présent je sais que notre civilisation occidentale (j'allais dire : française) est non point seulement la plus belle ; je crois, je sais qu'elle est la seule — oui, celle-même de la Grèce, dont nous sommes les seuls héritiers.

" M'ont ramené comme chez moi vers la gloire que fut la Grèce ". — Sur le bateau qui nous mène au Pirée, déjà je me redis ces vers des Stances à Hélène. Mon cœur

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