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26 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

nous en servir, c'est-à-dire à poursuivre et à reconnaître dans toutes les parties de son œuvre Tidée d'innocence.

Mais disons d'abord, pour éviter toute méprise, sous quelle forme nous devons nous attendre à trouver cette idée exprimée, de quelle façon il importe d'interroger, d'ausculter l'œuvre qui la contient et à quelle sorte de confession il faut l'amener. — Rimbaud n'a rien d'un philosophe ; il est absolument impropre à la réflexion abstraite ; il ne sait pas isoler ses pensées les unes des autres, ni les exposer dans l'ordre où elles s'enchaînent véritablement : " Moi je ne puis pas plus m'expliquer que le mendiant avec ses continuels Pater et Ave Maria. Je ne sais plus parler ! " ^

Rien de ce qu'il pense n'aboutit à la distinction ; pas de développement, d'épanouissement, d'explication ; tout reste non pas vague, mais immédiat et enveloppé. Lorsque Rimbaud entreprend d'exposer ses théories esthétiques, * il ne peut le faire que par des déclarations subites et entières, que par une série d'explosions idéologiques ; il attend qu'une certaine quantité de pensée se soit accu- mulée en lui, pour la lâcher d'un seul coup ; ses formules ne résument pas, elles chassent, elles produisent ; au lieu de servir au rassemblement de la pensée, c'est à sa projec- tion. Il ne faut donc pas demander aux poèmes de Rimbaud de nous livrer un système philosophique, tout abouti et avoué, ni même une description abstraite de l'idée d'innocence. Cette idée n'est pas dans l'œuvre, si on l'y cherche, si on veut l'en extraire. Mais il faut la

' Une Saison en enfer : Matin, Œuvres, p. 304. « Voir Lettre du 15 mti 1871, dans la Nowvelle Revue Française do i* oct. 1912, p. 570.

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