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RIMBAUD 29

sont assignés à aucune patrie, ne sont astreints à aucun lieu ni à aucun temps. Il faut noter le perpétuel emploi du mot tout dans ces poèmes. C'est l'adjectif indéfini ; il indique la complète absence de bornes, de restrictions, de détermination : " Enfant, certains ciels ont affiné mon optique ; tous les caractères nuancèrent ma physiono- mie... " ^ " Toutes les possibilités harmoniques et archi- turales s'émouvront autour de ton siège... " ^ Le poète, sans cesse, nous apparaît placé en un point mystérieux où il est au niveau à la fois de tout ce qui existe, où son âme devient égale à toutes les époques, à tous les mondes et circule, avec une prodigieuse aisance, à travers les civilisa- tions : " Exilé ici, j'ai eu une scène où jouer les chefs- d'œuvre dramatiques de toutes les littératures. " ^ " Dans un grenier où je fus enfermé à douze ans, j'ai connu le monde, j'ai illustré la comédie humaine. Dans un cellier j'ai appris l'histoire. A quelque fête de nuit, dans une cité du Nord, j'ai rencontré toutes les femmes des anciens peintres. " ^ Il est en tout, parce qu'il n'est en rien ; il ne s'épanouit qu*en dehors de nos limites : " J'ai horreur de la patrie. " ^

Dans la Saison en Enfer le thème de la solitude entre les hommes reprend une force nouvelle ; il devient le motif du païen et du nègre : " Si j'avais des antécédents à un point quelconque de l'histoire de France ! — Mais non, rien. — Il m'est bien évident que j'ai toujours été de

  • Les Illuminations : Jeunesse^ p. 235.

^ Les Illuminations : Veillées, p. 195. ' Les Illuminations : Fies, p. 236.

  • Ibidem, p. 238.
  • Une Saison en enfer : Mawvais Sang, p. 261.

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