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92 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

de son infaillibilité. Car elle savait la vérité ; elle la taisait et faisait seulement un petit mouvement des lèvres, comme si elle avait encore la bouche pleine et finissait un bon morceau. Elle la taisait ? du moins je l'ai cru longtemps, car à cette époque-là je me figurais encore que c'est au moyen de paroles qu'on apprend aux autres la vérité. Même les paroles qu'on me disait déposaient si bien leur signification inaltérable dans mon esprit sensible que je ne croyais pas plus possible que quelqu'un qui m'avait dit m'aimer ne m'aimât pas, que Françoise elle-même avait de peine à douter, quand elle l'avait lu " sur " le journal, qu'un prêtre ou un monsieur quelconque pût, contre une demande adressée par la poste, envoyer gratuitement un remède infaillible contre toutes les maladies ou un moyen de faire rapporter cinquante pour cent sur tout capital. Mais, la première, Françoise me donna l'exemple (que je ne devais comprendre que plus tard quand il me fut donné de nouveau et plus douloureusement, comme on le verra dans le dernier volume de cet ouvrage, par une personne qui me fut plus chère), que la vérité n'a pas besoin d'être dite pour être manifestée et qu'on peut peut- être la recueillir plus sûrement, sans attendre les paroles et sans même tenir ensuite aucun compte d'elles, dans mille signes extérieurs, même dans certains phénomènes invisibles, analogues dans le monde des caractères à ce que sont, dans la nature physique, les changements atmosphériques. J'aurais peut-être pu m'en douter, puis- que à moi-même, dans ce temps-là, il m'arrivait souvent de dire des choses où je ne mettais nullement la vérité, tandis que je la manifestais par tant de confidences invo- lontaires de mon corps et de mes actions, fort bien inter-

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