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AURORE OU LA SAUVAGE ' 993

— Voici mon préféré : un WoUaston calibre lo, pour la grande chasse, dit Aurore. Il provient de la vente du major X... C'est un camarade, un fin camarade que ce fusil. Nous tuons les hippopotames comme du lapin.

Et elle passe sa main sur l'hammerless, du cran de mire à la plaque de couche.

Hippopotames, monstrueuses tripes au bain-marie dans la boue des deltas, crocodiles aux petits ventres ronds et mous comme des laitues, hamadryades assises sur les joues, ours bruns, des plantes de leurs pieds plus friands que du miel, h3âènes comme des sacs bourrés d'ossements, vous tous qui êtes morts des mains d'Au- rore, trépassés du calibre lo, vais-je aimer ?

��Non. Cela tourna autrement.

Cette soirée, qui fut la dernière, avait pourtant bien commencé. Nous avions dîné. Aurore et moi, au Old Sheperd's^ dans Glasshouse St., que j'aime pour ses tables massives, son plafond bas, sa fourchette à toast, son buffet froid entouré de jonquilles dans des bouteilles de ginger aie. On était séparé les uns des autres par des compartiments en bois, par-dessus lesquels nous pouvions apercevoir la calvitie cossue de Sargent et la tignasse de Roger Fry.

Aurore m'expliquait comment elle chassait en Abyssi- nie, en Est Africain, en Nigeria. Des chasseurs célèbres lui consentaient leiu: compagnie. C'étaient des gens simples, « hommes silencieux et forts », des trappeurs, des solitaires chassant nettement, rudement, sans peur, « de la grande race de ceux qui ont sué en Afrique » quand l'ivoire était

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