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1004 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

sa toile à ratiociner. » On se méfie de « l'esprit sectaire, du pédantisme scolaire » des peintres qui ne craignent pas d'exposer leurs convictions. Un collectionneur connu, dont je suis flatté d'être l'ami, nous écrit : « Je me demande s'il n'est pas dangereux pour un artiste de chercher à s'exprimer à la fois par l'écriture et par la couleur. » Cela dépend de la qualité de l'artiste. Il en est pour qui tout est dangereux, même le fait de peindre une figure lorsqu'ils ont l'habitude de peindre des paysages. Pour d'autres, solidement trempés et doués d'un instinct à toute épreuve, chaque tentative nouvelle est, plutôt qu'un danger, un excitant. J'imagine qu'Ingres, lorsqu'il eut formulé sentencieusement : « La beauté, ce sont des lignes droites avec des modelés ronds », dut se sentir profondément allégé et que, possédant un chapitre nouveau de son dogme il travailla avec plus de liberté. Car c'est un immense senti- ment de libération qu'éprouve l'artiste lorsqu'il a précisé par des mots le sens dé ses trouvailles plastiques. Cézanne, le plus fécond et fécondant des peintres du xix® siècle, dans ses moments de découragement, se prenait la tête entre ses mains et s'écriait : « La formule, trouver la for- mule ! »

En effet, trouver une formule régulatrice, c'est ce qui importe, n'en déplaise au public, assidu à nous en dicter de paralysantes.

Mais il est nécessaire, à ce propos, d'éviter tout malen- tendu, et de préciser ce que nous entendons par formule, ou par théorie. Pour la majorité des critiques, même les mieux intentionnés à notre égard, toute théorie ne peut qu'être « à priori » ; toute certitude ne peut que confiner au « pédantisme d'école » et la confidence sérieuse d'une

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