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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE IO67

Le S5nnbolisme n'a rien produit en matière de roman ! Les romans de M. Henri de Régnier sont des compositions parfois élégantes, mais froides, qui ne gardent aucune des musiques de sa poésie. Si Laforgue avait vécu, il y aurait eu probablement un roman du symbolisme, dont les Moralités légendaires nous permettent d'imaginer la figure. Faute de Laforgue ce roman est resté en puissance, en sommeil, comme la Belle au Bois dormant. Il nous revient aujour- d'hui : c'est le roman de M. Giraudoux.

Il nous revient en même temps qu'ailleurs nous revient tumultueusement Rimbaud, et nous le voyons qui porte à ses deux côtés les figures exactes d'une peinture et d'une musique, celle de Monet et celle de Debussy. Je ne dis pas, ce qui serait absurde, que M. Giraudoux se soit inspiré de l'un ou de l'autre. Seulement les amateurs de Monet et surtout ceux de Debussy ont été portés tout de suite, par l'impulsion acquise, au cœur même de l'art et de la sensibilité de M. Giraudoux. Ces trois formes qui retiennent (car il ne faut rien exagérer) toutes les différences impliquées dans leurs langages spécifiques de phrases, de sons, de taches, et aussi dans des natures individuelles originales, com- portent entre elles trois analogies qui les penchent l'une vers l'autre : d'abord une eau qui, au Ueu d'être donnée comme un ensemble et dans une coupe, imbibe des éponges juxta- posées, à la douceur de chevelure, et ruisselantes, indéfini- ment, sous la pression de la main, — puis une sensibilité sans cesse recommençante et neuve, sans cesse ramassée pour embrasser la figure tendre de l'instant ; — et enfin une intelHgence toujours en éveil pour empêcher cette sensi- biUté de s'user en habitude, intelHgence étonnamment froide, ingénieuse, systématique à rebours, et qui, lorsqu'on la prend par les poignets pour regarder ce qu'il y a au fond de ses yeux si mystérieusement clairs, lance comme son étincelle la plusjprofonde et la plus authentique un regard

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