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192 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

avec une joie secrète. Mais il s'y enfonce aussi avec une sorte d'accomplissement, de couronnement, de plénitude d'humilité. Et ne s'y enfoncerait-il pas avec un couronne- ment et une plénitude d'orgueil.

Et plus encore peut-être avec on ne sait quel goût et quelle réussite et quelle plénitude d'anéantissement.

Quand il est fatigué, et il l'est toujours, il se dit que le paysan aussi est toujours courbaturé ; et qu'il n'en travaille pas moins ; et qu'il n'en travaille que mieux. Ce n'est pas seulement une consolation, c'est une théorie. Il a inventé cette théorie, qu'on travaille mieux quand on est au moins un peu fatigué. Comme il l'est toujours beaucoup, il manque un peu de compétence en matière d'im peu de fatigue. Et il manque tout à fait de l'autre terme de la comparaison, qui est de savoir ce que serait et ce que ferait quelqu'un qui ne serait pas fatigué du tout. Il a exposé longuement sa théorie. Il prétend que la fatigue du matin est la tradition du travail de la veille au travail du lendemain, que ce résidu de la fatigue du matin est la légation de la fatigue et du travail de la veille à la fatigue et au travail du lendemain, qu'elle est comme un ferment aigri, comme le levain de la veille et qui fera lever le pain du jour. C'est une belle théorie, pour les gens fatigués. Il prétend que le paysan, que le voiturier se réveille toujours avec les reins cas§és, les jambes raides, et des courbatures qui lui font jurer le nom^du Seigneur,^mais^qu'il se lève tout de même et qu'à midi il n'y pense plus. (Ce qui enlève un peu de sa raison à la comparaison, c'est que lui, à midi, il y pense encore). Telle est sa théorie de la fatigue et du travail. Il a beau-

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