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194 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

dans une race encore toute plongée dans le secret de ne pas savoir lire, dans le silence et l'ombre de n'avoir jamais porté la main sur une plume.

Mettre la main à la plume, ce solennel propos du troupier légendaire lui paraît plein d'un sens mystérieux. Mes chers parents, je mets la main à la plume, c'est pour vous dire que le capitaine... Il entrevoit à ces mots un sens redou- table. Ainsi passé son père, qu'il n'a pas même connu, passé sa mère nul de sa race n'a jamais mis la main à la plume. Et sa mère même a une écriture si gauche, si maladroite, si peuple et si manuelle, si peu écrivain. Il est le premier, et comme seul. Lui-même si maladroit. Et vraiment si peu habitué. Avec ses gros doigts maladroits où toutes les engelures de l'enfance ont laissé leurs diffor- mités.

Cette plume, son instrument propre, elle lui paraît un instrument dangereux. Il la découvre un instrument dangereux. Mais il a des compensations. Quand ça marche bien, quand les mécanismes sont montés, quand il écrit, il ne trouve pas que c'est un instnmient dangereux. Quand ça ne marche plus, quand les mécanismes sont démontés, quand il est sans nerf devant son papier commun, il peut se dire que c'est très bien de ne pas savoir écrire, d'être un mécanisme démonté, parce que c'est un brevet d'inhabitude. (L'habitude étant, dans ce système, le plus dangereux, le seul dangereux ennemi). Un brevet d'être nouveau.

Il y a dans l'écritiu-e un durcissement propre. Il y a dans l'imprimé un vieillissement propre. Les jours où il ne peut pas travailler l'homme se dit que c'est la preuve que par la nouveauté de sa race intellectuelle il échappe

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