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DIALOGUES DES OMBRES PENDANT LE COMBAT 217

Arnauld. — Cessez, cessez ! Vous allez vous meurtrir d'horribles blasphèmes ! Vous étiez un gibier dont les chiens ne lâchent plus la piste et qui sent venir l'essouffle- ment. Toute joie vous était pleine d'épines. Conçoit-on créature plus misérable et plus déchirée que vous ne l'étiez alors ? Etait-ce payer trop cher la hbération de votre âme ?

Racine. — Mon âme... ah! qu'allez- vous me faire dire ? Mon âme était-elle vraiment si précieuse qu'elle valût un tel sacrifice ?

Arnauld. — Mon Dieu, mon Dieu, pardonnez-lui !

Racine. — Qu'importe aujourd'hui que j'aie ou non triomphé de ma misère ? Les hommes ont maudit mon affreux courage et c'est au moment où je m'élevais au niveau des grands cœurs que j'ai perdu ma royauté.

Arnauld. — Royauté exécrable dont vous-même vous avez eu peur, quand vous avez découvert qu'elle avait conduit vos pieds dans le crime et qu'elle vous avait fait le compagnon d'empoisonneurs ! Ah ! jour béni où vous vous êtes lavé de cette lèpre !

Racine. — Hélas ! il ne fallait pas en guérir.

��III

Vauvenargues, de Seytres.

De Seytres. — As-tu remarqué ce jeune homme à peine plus âgé que moi et dont le regard est à la fois si charmant et triste ? Il a sur la manche un petit galon de sergent. Pourquoi est-il affligé ? Je ne l'étais pas, moi.

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