Page:NRF 13.djvu/307

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 299

obscure et contestable dès qu'il veut y mettre une réalité positive. En tout cas, si nous la prenons comme une image, au même titre que la cristallisation, c'est une image commode, profonde et vraie. M. Mauclair a montré avec beaucoup de force et d'éloquence que la réalité en amour c'est le couple et non l'individu. Et l'on montrerait de même que la réalité vraie dans l'art ce n'est ni l'artiste, ni l'œuvre, c'est l'artiste et l'œuvre présents l'un dans l'autre et vivant l'un par l'autre. L'amour individuel, « l'amour éprouvé se complaisant en soi et se bâtissant lui-même toute sa tragédie », cet amour- passion que Stendhal goûtait chez les autres avec un plaisir un peu artificiel, est, pour M. Mauclair, à l'origine de toutes les folies, de toutes les déchéances et de tous les crimes. « Par l'amour-passion deux créatures s'entre-tuent : dans l'amour partagé elles s'accordent à reconnaître avec humi- lité, avec ferveur mutuelle, l'urgence de protéger contre toute société leur total isolement », et M. Mauclair analyse admirablement trois couples, Baudelaire et Mme Sabatier, Adolphe et Eléonore, Des Grieux et Manon.

Nous avons vu la cristallisation artistique s'accompagner chez Stendhal comme d'une rançon d'un refus très net de comprendre d'autres cristallisations, telles que la cristallisa- tion religieuse. Or le couple est construit, par l'art abstrait et rigoureux de M. Mauclair, de manière à exclure toute cristallisation autre que l'amoureuse. M. Mauclair, du point de vue du purisme esthétique qui exige le couple parfait et nu, le défend ardemment contre la cristallisation sociale, s'attache à en écarter le moindre grain et le moindre soup- çon, et une partie de son livre est consacrée à une attaque véhémente contre toute intrusion de la société dans l'amour et en particulier contre le mariage.

Ce n'est point ici le lieu de discuter ces idées. M. Mauclair écrit des pages pleines de verve sur l'hypocrisie du mariage bourgeois, sur le ridicule d'une journée de noces et l'odieux

�� �