Page:NRF 13.djvu/313

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

NOTES 305

sur le problème de savoir s'il y a des Idées des objets fabriqués. La fantaisie intelligente de M. de Miomandre ne figure-t-elle pas comme une survivance et un clair de lune de l'attention amicale et délicate avec laquelle l'homme faisait autrefois les poteries et les corbeilles appelées à l'accompagner toute sa vie dans sa caverne ou sa tente ? Mais Théophile Gautier disait qu'on reconnaît qu'un peuple est civilisé quand il ne sait plus faire un vase ni une corbeille. Aussi devons-nous aimer la source fraîche d'ingénuité que M. de Miomandre, en tournant le dos de son fauteuil à notre civilisation sans âme sait faire jaillir de sa table.

J'ai nommé Andersen et Dickens. Ce n'est pas que je tienne beaucoup à cette comparaison qui ne vaut que par un biais rapide. Il me plairait davantage de donner à M. de Miomandre un masque d'Extrême Orient, de le voir

Imiter le Chinois au cœur limpide et fin.

Lorsqu'il écrivit l'Aventure de Thérèse Beauchamp, un lecteur innocent, m'a-t-on dit, demandait : « Evidemment cela n'est pas mal, mais quelle idée bizarre d'y avoir mis un Chinois ? » M. de Miomandre y avait mis un Chinois du même fonds dont il s'y était mis lui-même, dont il y avait mis son art. Il ne pouvait pas ne pas y mettre de Chinois. Le Chinois est aussi naturel dans un roman de M. de Miomandre que l'officier dans un roman d'aujourd'hui. Vaut-il même pour lui la peine d'aller chercher ses Chinois en Chine. La fantaisie d'Au Bon Soleil et du Veau d Or, qui sont copiés sur la vie réelle, dégage des personnages les plus ordinaires toutes leurs puissances singulières, et paradoxalement chinoises. «Comment peut-on être Persan ? » se demandaient autrefois les Parisiens, « Comment peut-on ne pas être Chinois ? » leur demanderait M. de Miomandre. M. Gabriel Moureya traduit dernièrement dans la Bibliothèque universelle et Revue suisse (où personne, malheureusement, ne va le chercher) un délicieux Livre du

20

�� �