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LE PÈRE HUMILIÉ 54^

SICHEL. — Orian ne pense pas à toi.

PENSÉE. — Mais s'il venait à y penser cependant...

SICHEL. — Nous ne le verrons plus.

PENSÉE. — Et quelle manière m'as-tu donnée de cesser de le voir ?

SICHEL. — Pardonne-moi !

PENSÉE. — S'il venait à penser à moi, — et je sais qu'il n'y pense aucunement, tu dis vrai! Le voici non loin de moi conmae un homme entièrement libre et dégagé,

Sans savoir que cela n'est pas et de quel lien je lui suis déjà attachée,

Oui, qu'il le veuille ou non...

SICHEL — Ce lien peut se rompre encore.

PENSÉE. — S'il venait à y penser cependant,

Que faire alors ? Où le fuir ? Quel moyen de me retirer ? S'il venait à penser à moi.

Ce n'est pas parce que je suis aveugle qu'il cessera de voir ma part de la lim^ère I Ce n'est pas parce que je n'ai point d'yeux qu'il ne me voit pas ! Ce n'est pas parce que je ne connais point mon visage qu'il l'ignore !

Ce n'est point parce que je suis privée de tout que je puis aussi me passer de lui !

SICHEL. — Mais lui peut se passer de toi.

PENSÉE. — Qui le sait ?

SICHEL. — Crains de lui faire pitié.

PENSÉE. — C'est à lui de craindre.

SICHEL. — Quel orgueil un homme tirera-t-il de cette femme qui l'aime sans le voir ?

PENSÉE. — C'est à lui de voir, c'est à moi d'être assez belle pour qu'il me voie et que je voie par lui.

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