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LE PÈRE HUMILIÉ 5^3

Vous savez bien que nous n'appartenons pas à la même race. La même, et cependant à part. Il n'y a pas d'union possible entre nous. Oui, vous auriez beau me tendre la main.

ORIAN. — Nous sommes les enfants du même père.

PENSÉE. — Un père ? Je n'en ai pas. Qui sont mon père et ma mère ? Donnez-moi des yeux pour que je les voie ! Je suis seule.

Cet homme qui parlait tout à l'heure, c'est lui que vous appelez mon père ?

Croyez-vous que je l'aime ? Croyez- vous que j'aime ma mère ? Si, pauvre femme, je l'aime, elle m'aime telle- ment ! Je tiens à elle, je ne puis me passer d'elle.

Mais ils ne me connaissent pas et je sens tellement que je ne puis leur parler et qu'ils n'ont rien à me dire ! Ah, de quel poids ils me sont tous les deux!

ORIAN. — Pensée qui êtes à côté de moi...

PENSÉE. — Orian.

ORIAN. — J'ai eu tort d'accepter de vous parler de mon frère.

PENSÉE. — Non. Je suis heureuse que vous soyez venu.

ORIAN. — Je ne puis supporter de vous entendre vous plaindre ainsi, comme si vous en appeliez à moi.

PENSÉE. — Que vous importe ?

ORIAN. — D'autres souffrent. J'ai eu tort d'être venu. J'ai tort, à ce moment même, d'être à côté de vous.

PENSÉE. — Il faut avoir tort quelquefois.

ORIAN. — D'autres souffrent ! Mais rien que de voir la lumière est beau !

PENSÉE. — Parole que j'ai entendue souvent.

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